Séance 2 du 29 janvier 2013, à la suite des questions au gouvernement
Début du débat sur le projet de loi Mariage Pour Tous à l'Assemblée Nationale
Discussion Générale
M.
Christian Jacob. Monsieur le président, ma questions’adresse à M. le Premier ministre.
Inexorablement,
le chômage augmente dans notre pays, les usines ferment… La semaine
dernière encore, nous avons appris qu’une usine Goodyear –
1 200 emplois – risquait de fermer
à Amiens.
L’heure est
grave, monsieur le Premier ministre, et vous avez choisi de gouverner par diversion.
Mais les Français ne sont pas dupes : ils ne comprennent pas votre obstination
à maintenir, dans un tel contexte, l’examen du projet sur l’extension du mariage et de l’adoption aux
couples homosexuels. (Applaudissements sur les bancs du
groupeUMP.
– Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Renvoyer,
qui plus est, la discussion sur la procréation médicalement assistée à un texte
ultérieur, dans un mois, est une véritable imposture, monsieur le Premier ministre
: vous n’avez
pas le courage d’assumer
vos choix.
Depuis
trois mois, le groupe UMP sollicite l’avis du comité national d’éthique. Le Président de la République vient enfin d’accéder à sa
demande, mais il le fait trois jours avant l’examen du texte par l’Assemblée.
Plusieurs
députés du groupe SRC. Menteur !
M.
Christian Jacob. C’est un véritable mépris pour elle, un affront. Je vous
prends à témoin, monsieur le président : nous allons débattre sur ce texte sans
avoir l’avis
du comité national d’éthique.
(Applaudissements sur les bancs du
groupe UMP. –Exclamations sur
les bancs du groupe SRC.)
Ma
question est donc simple, monsieur le Premier ministre. Vous avez peur du
peuple…
M.
Patrick Balkany. Absolument !
M.
Christian Jacob.…parce
que vous n’osez
pas le consulter par référendum. (Exclamations
sur les bancs du groupe SRC.) Vous
n’avez
pas non plus le courage d’assumer
vos choix, notamment sur la procréation médicalement assistée. Je vous demande
donc de reporter l’examen
de ce texte tant que nous n’aurons pas reçu l’avis du comité national d’éthique.
Mme
Dominique Bertinotti, ministre déléguée
chargée de la famille.
Monsieur
le député, avant de parler de peur dupeuple, je commencerai par vous rappeler que le peuple abesoin d’être respecté
dans les urnes, et que les urnes ont parlépar deux fois (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste
et RRDP) : la première à l’occasion de l’électionprésidentielle
en donnant à François Hollande la possibilitéde tenir les soixante engagements qu’il a présentés
devantl’ensemble des
Français (Exclamations sur les bancs du groupe
UMP) ; la seconde lors des élections
législatives, qui ontconfirmé
son choix. Et il est bon qu’un Président de laRépublique tienne ses engagements !
Ensuite,
la loi que nous allons discuter, je l’espère, en toute sérénité –vous pourrez en tout cas compter sur le Gouvernement et l’ensemble des
députés de la majorité pour qu’il en soit ainsi –, porte sur le mariage et l’adoption ouverts aux couples de même sexe. Je ne vois pas
l’intérêt
d’introduire
de la confusion dans le débat (Exclamations
sur les bancs du groupeUMP) en jouant sur
des thèmes qui ne seront pas abordés, en jouant sur les peurs…
M.
Philippe Meunier. Vous avez peur du peuple !
Mme
Dominique Bertinotti, ministre
déléguée. …pour
inquiéter nos concitoyens. Et puisque vous êtes si préoccupés par la crise, ne
cherchez pas à alourdir un climat anxiogène sur lequel vous essayez de
prospérer. (Exclamations sur les bancs dugroupe UMP.)
Enfin,
les réformes de société ne sont pas incompatibles avec les réformes sociales. Sinon,
en pleine reconstruction, après-guerre, comment expliquer que le général de
Gaulle ait pris l’initiative
d’accorder
le droit de vote aux femmes (Protestations
sur les bancs du groupe UMP),
comment expliquer qu’en
1974, en plein choc pétrolier, Simone Veil ait fait preuve du courage que l’on sait ? (Applaudissements sur lesbancs du groupe
SRC. – Exclamations sur les bancs du groupeUMP.)
M.
Erwann Binet. Monsieur le Premier ministre, à l’approche de ce
moment historique qui va enfin permettre à tous les couples de bénéficier des
mêmes droits…
M.
Philippe Meunier. Et les droits des enfants ?
M.
Erwann Binet. …et
donc de la même protection par la loi, quelle que soit leur orientation
sexuelle, il est important de rappeler les dizaines d’années de
combat qui ont mené à cette dernière marche pour l’égalité de tous
les couples et de toutes les familles.
Il
y eut d’abord
un premier pas avec les débats sur le statut des homosexuels, qui aboutit en
1982 à la dépénalisation totale de l’homosexualité, engagement de campagne du candidat
François Mitterrand. Plus tard, en 1998, lors des débats précédant l’adoption du
PACS, la droite avait exprimé une opposition frontale à la reconnaissance des
couples homosexuels.
En
2012, pour la première fois, François Hollande, candidat à l’élection
présidentielle, promet l’ouverture
du mariage et de l’adoption
à tous les couples. Aujourd’hui, la volonté politique du Gouvernement et de la
majorité parlementaire est d’apporter sécurité juridique et protection à toutes les
familles, à toutes les formes de famille. Ces longs mois de débats, qui ont
permis de sensibiliser tous les Français à cette question, ont fait naître des
questionnements, voire de l’hostilité. Ces débats ont aussi fait ressurgir une
violence, que l’on
croyait marginalisée.
Mme
Valérie Boyer. Oh!
M.
Erwann Binet. Monsieur le Premier ministre,
pouvezvous nous éclairer sur les conséquences du projet de loi ouvrant le
mariage aux couples de personnes de même sexe pour les familles homoparentales
? Pouvez-vous également nous indiquer les mesures que le Gouvernement envisage de
mettre en oeuvre
pour lutter contre l’intolérance
et les discriminations dont font encore l’objet certains de nos concitoyens, du fait de leur
orientation sexuelle ? (Applaudissementssur les bancs des
groupes SRC, écologiste et GDR.)
M.
Michel Herbillon. Pourquoi n’avoir pas
répondu à M. Jacob ? (« Mépris ! » sur les bancs du groupe
UMP.)
M.
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …vous avez, à mon
sens, très bien exposé, et en des termes simples, ce à quoi l’Assemblée
nationale est invitée cet après-midi, c’est-àdire à une nouvelle avancée vers plus d’égalité et de
droits pour tous les Français. (Applaudissements
sur les bancs desgroupes
SRC, écologiste et GDR.)
Oui,
le mariage pour tous était en effet un engagement du Président de la
République, précisément la proposition n° 31 de son programme électoral. Cette
proposition a donné lieu à un large débat dans la société…
Plusieurs
députés du groupe UMP. C’est faux !
M.
Philippe Meunier. Menteur !
M.
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
…au cours duquel des opinions contraires se sont
exprimées. Nous sommes dans une République où les questions de cette nature
provoquent légitimement une discussion et un débat. Mais nous sommes aussi dans
une République où le suffrage universel donne mandat aux députés pour trancher
et décider. C’est
ce que vous allez faire à partir de cet après-midi, et je sais, mesdames et
messieurs les députés, que vous le ferez avec la dignité et la sérénité qui
conviennent.
Quand
on considère notre histoire, on s’aperçoit qu’à chaque fois que nous avons fait progresser l’égalité dans notre
pays…
M.
Philippe Meunier. Ce n’est pas un progrès !
M.
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
…nous
avons provoqué des résistances, des craintes ou des inquiétudes. Pourquoi pas ?
Elles ont bien le droit de s’exprimer ! Mais, une fois que ces lois ont été votées,
elles ont été considérées, bien au-delà de ceux qui les avaient votées, comme
une vraie avancée, partagée par toutes et tous, et comme un acquis de la société
française. (Applaudissements sur les bancs des
groupesSRC,
écologiste et GDR.)
M.
Jean-Luc Reitzer. Vous n’êtes pas les seuls !
M.
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
Il en va de même avec le projet de
loi sur le mariage pour tous qui, en définitive, prend en compte l’évolution de la
famille. Ce sont des dizaines de milliers de personnes qui vivent aujourd’hui au sein de
couples ou de familles homoparentales : des milliers de parents et d’enfants. Par ce
projet de loi, que le Gouvernement a adopté et vous soumet, vous allez pouvoir
renforcer les droits des parents et ceux des enfants !
M.
Jacques Myard. C’est faux !
M.
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous n’allons pas affaiblir
l’institution
du mariage, mais l’élargir
et la renforcer !
(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je
voudrais, pour finir, m’adresser
à Mmes et MM les députés de l’opposition.
M.
Julien Aubert. Alors regardez-nous !
Plusieurs
députés du groupe UMP. Oui !
Regardez-nous !
M.
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
Vous avez parfaitement le droit d’être en désaccord
avec nous. Mais rappelezvous le débat que nous avons eu, ici même, il y a
quinze ans, au sujet du PACS. Cela n’a pas été facile et des interrogations similaires ont été
posées. Eh bien, mesdames et messieurs les députés de l’opposition,
combien d’entre
vous m’ont
dit, quelques années après avoir voté contre ce texte,…
M.
Christian Jacob. À vous, on ne dit rien !
M.
Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
…qu’ils le
considéraient
finalement
comme une avancée et que nous avions eu raison de le faire voter ?
Mesdames
et messieurs les députés de l’opposition, je prends le pari que demain, beaucoup d’entre vous
viendront me dire : « Oui, c’est une avancée, et vous avez bien fait ! ».
(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC,
écologiste et GDR.)
Je
fais pleinement confiance à la majorité et je suis certain que, même au-delà de
ses rangs, à la fin du débat, une large majorité de parlementaires adoptera
cette réforme, qui garantit l’égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi les
droits des homosexuels. La société française et la République française
pourront en être fières ! (Les députés des
groupes SRC et écologiste se lèvent et applaudissent.)
(Compte rendu de la première question venant du Compte rendu officiel paru au JO)